MARCHES PERFORMATIVES


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Marche performative en cours de préparation

ROAD TO NOWHERE WEST

Los Angeles - Nowhere

Juillet - Septembre 2023

2300 kilomètres


Du 6 juin au 18 septembre 2022, seule, j’ai marché jusque Nulle part. 2602,2 kilomètres de New-York à Nowhere (Oklahoma). J’ai effectué cette marche performative intitulée ROAD TO NOWHERE en étant persuadée d’une fin du monde inévitable, causée par l’Humain et l’absurdité de ses actes, submergée par un sentiment d’impuissance face à un désastre entamé. Je n’imaginais rien d’autre que d’aller Nulle part. Et finir ce périple par un abandon. Celui d’un personnage endossé depuis plus de 10 ans dans mon travail plastique. Psyché. Vivre une aventure à la hauteur de la sienne, mais plutôt que de chercher Amour, viser Nulle part comme dernier espace de liberté et de possibles. Une marche difficile, désenchantée.
Les chiens, les chevaux, les tortues, les vaches, les papillons, les ruisseaux, les arbres et l’immensité du ciel ont, durant ces 107 jours de marche, compensé le manque d’hospitalité, le racisme, l’homophobie, le nationalisme à outrance, le repli sur soi, la pauvreté culturelle, le fanatisme religieux, les lignes droites sans fin, les routes chargées de l’Amérique profonde. J’ai surmonté les intempéries colossales, les camions fous, le manque de nourriture acceptable, la solitude abyssale, me suis accrochée aux maigres rencontres, si rares en 4 mois qu’elles en étaient fulgurantes. Vous avez pu suivre ce périple sur ma page Lydie Jean Dit Pannel - To Nowhere, au travers de mon journal de marche et de mes photographies. Pour certain.es d’entre vous, mes péripéties ont été comme un feuilleton de l’été. Une bonne série appelle une saison 2.
Cette fois, je vais oser l’impensable : L’optimisme.
Alors arrive ROAD TO NOWHERE WEST. Une marche en miroir. Le miroir devant lequel on grimace pour esquisser un sourire. Aller Nulle part, encore, mais cette fois face au soleil. Ne plus voir l’ombre de soi chaque matin. Et marcher. Résolument apocalyptoptimiste. Tenter l’espoir.
Je partirai de Los Angeles le 2 juillet 2023 et marcherai jusqu’à Nowhere (Oklahoma), que j’atteindrai début septembre après environ 2300 kilomètres. Je traverserai la Californie, l’Arizona, le Nouveau Mexique, le Texas et l’Oklahoma. Cet opus sera tourné vers l’Autre. Tout sera fait pour rencontrer les États-Unien.nes. Provoquer les rencontres, les échanges, le dialogue. Qui seront de toute façon nécessaires à la survie. Car il faudra traverser des déserts, les Rocheuses, la chaleur et la sécheresse. De longues routes sans villes étapes. Pour arriver Nulle part. Y retrouver ses habitant.es. Et Psyché qui s’y languit depuis le 18 septembre. Puis faire le point sur cette double expérience.


ROAD TO NOWHERE a été soutenu par la fondation Antoine de Galbert, le FRAC Bourgogne, la maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff, L’Artothèque de Caen, la Station Mir - Festival Interstice, l’association La Belle Époque.
Le projet ROAD TO NOWHERE WEST est soutenu par le centre d’art contemporain Les Tanneries, l’Artothèque de Caen, les Ateliers Vortex, la Station Mir - Festival Interstice, l’association La Belle Époque et un mécène privé.



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Marche performative

Verlaine - Rimbaud

10 jours - 8 avril / 17 avril 2023
Cimetière des Batignoles / cimetière de Charleville-Mézières
277,6 kilomètres




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ROAD TO NOWHERE

(Marcher vers Nulle part)


Le projet ROAD TO NOWHERE a été soutenu par

la maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff

la Fondation Antoine de Galbert

le FRAC Bourgogne

l’association La Belle Epoque

l’artothèque de Caen

la Station Mir - Festival Interstice



À l'origine de ce projet, je devais partir de Malakoff (là où se trouve mon atelier), seule, à pied jusqu’au Havre. Là, je devais prendre un cargo jusqu’à New York. Puis je marcher de New-York jusqu’à Nulle part (Nowhere, Oklahoma). 2800 kilomètres, 4 mois de marche, de rencontres, d’écriture, de collectes, de prises de vues photographiques et vidéographiques.

La pandémie en a décidé autrement. Les armateurs des cargos ne prennent plus de passagers, je n'ai pas trouvé de place sur un bateau. L'aventure commencera donc à New-York.

Départ le 6 juin 2022.




Tout marcheur est un gardien qui veille pour protéger l’ineffable.

L’art de marcher, Rebecca Solnit, 2000


Nous devrions entreprendre chaque ballade,

sans doute, dans un esprit d’aventure éternelle, sans retour ;

prêt à ne renvoyer que nos coeurs embaumés,

comme des reliques de nos royaumes désolés.

De la marche, Henry David Thoreau, 1862


A Savière, dans l’école du village,

je me suis demandé si je n’allais pas gagner Paris en voiture,

mais cela avait-il un sens ?

A quoi bon être venu de si loin à pied, pour finir en voiture ?

Plutôt aller jusqu’au bout de l’insensé, si toutefois c’était insensé.

Sur le Chemin des glaces, Werner Herzog, 1978



Un préambule peut être nécessaire pour appréhender ce projet d'aller Nulle part. Car tout cela est une longue histoire.

(Toutes les pièces citées dans ce préambule sont détaillées dans les autres pages de ce blog)


Cela commence à l’Insectarium de Montréal il y a plus de 15 ans. Pour découvrir une nouvelle ville, je l’arpente en marchant et je m’y perds. Puis je visite le Musée d’histoire naturelle. Voir comment l’on relate la vie de la nature avec des animaux morts m’a toujours fascinée. À Montréal, il n’y a pas de Musée d’histoire naturelle. J’ai alors visé l’Insectarium. Et j’y ai eu une fulgurance. Le papillon monarque. Un voyageur. J’ai alors commencé à travailler autour des moeurs complexes de ce lépidoptère. Je me suis immédiatement fait tatouer une femelle monarque afin de marquer cette rencontre. J’ai ensuite fait des séjours au Canada et au Mexique, pour enquêter, comprendre, filmer et photographier. J’ai travaillé avec des chercheurs. J’ai élevé des monarques oeufs, chenilles, chrysalides puis adultes. J’ai compris la transformation et l’émergence. J’ai tenté de m’envoler dans les forêts mexicaines, j’ai reçu les caresses aériennes de milliers de monarques lancés dans de frénétiques ébats amoureux. Un papillon est même né sur mes lèvres avant de partir pour sa grande migration.


Depuis, lors de mes voyages, je fais inscrire sous ma peau l’image d’un papillon monarque femelle à échelle 1. Je porte à ce jour 47 paires d’ailes orangées collectionnées aux coins du monde. Avec cette collection mon corps est devenu dépositaire de l’histoire de ce papillon.



Le monarque est prétexte à raconter des histoires, à hurler ma déception face à une humanité qui court à sa perte. Car tout a changé radicalement. Aujourd’hui, le monarque est sévèrement en voie d’extinction. La pollution, les pesticides et la déforestation petit à petit le digèrent. Le regarder évoluer est devenu mon échelle de l’état du monde. Je suis en alerte.


J’ai beaucoup pratiqué l’auto-fiction. De 2001 à 2011, ma vie d’artiste, de femme, de mère, d’enseignante s’est accompagnée d’un film journal : Le Panlogon. Tous mes projets y sont nés et s’y sont développés. La petite histoire dans la grande Histoire. L’ordinaire extraordinaire.


Et puis il y a eu la catastrophe de Fukushima qui a été une bascule dans mon travail. J’ai eu besoin de prendre du recul. De ne plus parler à la première personne. Face à l’état du monde, le « je » m’était insupportable. J’ai alors créé un personnage : Psyché.



Avec elle, on est deux, c’est plus facile. C’est elle qui fait les conneries. Depuis des années nous errons dans des paysages toxiques pour la réalisations de photographies (les séries Entertainement et 14 secondes) et de 2 films (& a Fade to Grey et Ad Infinitum). Dans ces images, Psyché s’allonge par fatigue, refusant de continuer à lutter contre les folies humaines et décidée à disparaitre, s’abandonnant dans des paysages dont la beauté est incertaine.


Toutes ces images, ainsi que l’intégralité de mon travail de ces 30 dernières années ont été montrées jusqu’à fin août 2020 dans l’exposition monographique ALIVE. (Une rétrospective) au Musée des Beaux-Arts de Dole.


Une rétrospective ce n’est pas rien. Le sentiment d’une fin. Le confinement de l’exposition pendant la première vague du covid n’a rien arrangé. L’exposition a été confinée quelques jours après son ouverture, sans même un vernissage. Le Musée devenait sarcophage du travail. L’échange avec les publics devenait impossible. Tout semblait vain.


C’est alors qu’arrive le projet ROAD TO NOWHERE. Il a germé durant la pandémie et s’est épanoui lors de ma première longue marche post-confinement dans les forêts de mon enfance.





ROAD TO NOWHERE


Il y a Travis dans Paris Texas. Il y a Werner Herzog et son Chemin des glaces. Il y a les Stalker. Il y a Thoreau bien sûr et puis Richard Long. Il y a ces milliers de marcheurs qui arpentent les chemins du monde en ce moment même. Il y a eu le confinement. Il y a toutes ces marches que je rêvais de faire au delà de l’heure et du kilomètre entourant mon atelier de Malakoff.  Alors arrive le projet d’une longue marche. Il est temps de cesser les flâneries et les errances, et de donner un but à Psyché. Je la mènerai Nulle part. Il n'y a plus que cela à faire. Et nous irons par la seule force de nos jambes.


Je suis un piéton, rien de plus, disait Rimbaud.


Nulle part (Nowhere) est situé dans le comté de Caddo, Oklahoma, États-Unis. Je partirai de la maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff (structure qui soutien le projet depuis ses prémices) et je marcherai jusqu’au Havre. Là je prendrai un cargo jusqu’à New York. De New York, je marcherai jusqu’à Nowhere.




Il s’agit seulement de marcher. Juste de mettre un pied devant l’autre et d’avancer. Il suffit de bien se préparer. J’aime l’idée d’un dépassement physique, d’un entrainement quotidien durant des mois, d’une recherche méticuleuse de chaque objet qui fera partie du voyage, d’une étude profonde de la cartographie, de monter un gros projet, pour aller Nulle part.


Pour aller Nulle part il faudra traverser les états de New York, Pennsylvanie, Ohio, Indiana, Illinois, Missouri, Oklahoma.


Pour aller Nulle part il y aura des villes jalons (identifiées en traçant le chemin sur la carte Michelin USA 761 National). New York, Morristown, Allentown, Harrisburg, Bedford, Somerset, Washington (NY), Wheeling, Cambridge (Ohio), Zanesville, Columbus, Springfield (Ohio), New Castle, Indianapolis, Plainfield, Terre Haute, Marshall, Effingham, Vandalia, Saint-Louis, Rolla, Waynesville, Lebanon, Marshfield, Springfield (Missouri), Vinita, Claremore, Tulsa, Bristow, Oklahoma City, NOWHERE (ne figure pas sur la carte).


Pour aller Nulle part, le chemin commence de la même façon que celui de Kerouac dans Sur la route, puis se poursuit en grande partie sur la route 66 et traverse la région d’Ozark. Des raisons suffisantes pour faire partir l’imaginaire à toute vitesse.




THE END

Photographie couleur 26,6 x 15 cm en caisse américaine noire

Dernière photographie de la série « Entertainment », réalisée en arrivant Nulle part le 14 septembre 2022.
Après une marche en solitaire de 2602,2 kilomètres de New-York à Nowhere (Oklahoma), j’ai abandonné le personnage endossé depuis une décennie. Psyché, mon alter ego amoureuse, ma soeur aventurière, mon amie désenchantée a décidé de lâcher l’affaire. Ensemble, nous avons arpenté des dizaines de sites toxiques. Aujourd’hui, toutes deux lasses de l’absurdité humaine, fatiguées de hurler dans le vide, terrorisées d’assister à l’impasse dans laquelle se précipite le monde, nous nous séparons d’un commun accord. Psyché ne sera plus le vecteur de mon impuissance face à l’ampleur du désastre. Elle est restée Nulle part.
Me voici à présent seule dans la lutte.




ROAD TO NOWHERE

Sérigraphie sept couleurs de mon itinéraire vers Nulle part.
95 x 33 cm, tirage à 50 + 5 exemplaires numérotés et signés
Lydie Jean-Dit-Pannel, La Belle Epoque 2022

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En attendant de pouvoir aller Nulle part


Les conditions sanitaires retardant la mise en place concrète de cette marche aux Etats-Unis, il faut continuer à entraîner mon corps. Quand le projet est né, j’ai commencé des marches journalières. Je visais les cimetières et les sillonnais. Lorsque l’on vit dans la périphérie de Paris, les cimetières sont les seuls endroits calmes, où l’on entend avec de la chance les oiseaux, où l’on voisine avec les arbres. Le silence endémique qui y règne m’aidait à supporter l’idée d’un futur. 


Montrouge, Bagneux, Arcueil, Villejuif, Pantin, Grenelle, Vaugirard, Passy, Saint-Ouen, Montmartre (mon préféré, et puis c’est là que Daniel Darc repose), Montparnasse, le Père-Lachaise, Vanves, Clamart, Trivault, Marnes-la-Coquette, Garches, Sèvres, les Batignoles, Ivry.

Au cimetière de Thiais j’ai été très impressionnée par la section des indigents. Au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-bois j’ai pris le thé avec Tarkovski et discuté longtemps avec lui assise sur le petit banc de pierre.



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J’ai ensuite visé les forêts. Le Domaine de Saint-Cloud. Meudon. Fausses reposes. Malmaison. Puis j’ai changé de quartier pour Rambouillet. Je prenais le train juste avant l’aube, la ligne N qui partait à 15 minutes de chez moi me déposait au départ de dizaines de randonnées possibles.

Rambouillet, Les Essarts-le-Roi, Saint-Rémy-lès-Chevreuse, Le Perray-en-Yvelines, Coignières, Gometz-la-Ville, Bures-sur-Yvette. Après Rambouillet j’ai exploré les forêt de Marly (trop bruyante), Saint-Germain-en-Laye, Senart, Ferrière. Et puis Fontainebleau. Les grands arbres en dormance m’aidèrent à passer l’hiver. Ils étaient puissants de calme.




Durant ces marches sylvicoles, j’ai commencé une série photographique :


L’amour dans les arbres.

Série de photographies couleur in Progress


Je photographie les scarifications exécutées dans l’écorce des grands arbres par les amoureux.

Cette série sera présentée sous la forme d’un diaporama.



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Puis la restriction des déplacement dans un cercle de 10 kilomètres autour de notre habitation nous a été imposée. J’ai alors réalisé :


Pas dans la dentelle

Plan sur tablette d’une randonnée de 97 kilomètres réalisée sur un rayon de 10 kilomètres autour de mon atelier, mars 2021


S’imposait une marche péri-urbaine afin de tester les limites. J’ai traçé sur une carte le cercle d’un rayon de 10 km et j'ai pris la route. Les chemins m’offrirent d’insoupçonnés points de vue sur Paris et la découverte de quartiers que je n’avais jamais eu l’idée de visiter. J’ai marché 4 jours au plus près du cercle, contournant les zones militaires, les autoroutes, les chemins privés, les jardins partagés, les golfs, les zones industrielles, l’aéroport d’Orly. Lorsque je regardais vers la droite (je suis partie par la gauche depuis Massy), Malakoff était toujours là, à 10 kilomètres de moi.



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Ensuite, comme prévu initialement, le printemps arrivant, je suis partie pour ma première grande marche en conditions, afin de tester mon matériel (chariot de randonnée, couchage).





Marcher jusqu’au Bout du monde


Le Bout du Monde est une reculée située en Côte-d’Or sur la commune de Vauchignon. Il existe beaucoup de Bout du monde dans le monde. J’ai choisi celui de Vauchignon car c’est ici que j’ai emmené mon amoureux lors de notre première escapade, alors que nous étions des amants cachés (Psyché me l’a soufflé).




Le trésor du Bout du monde


Photographie couleur réalisée avec les collectes effectuées lors d'une marche de 361 kilomètres de Malakoff jusqu'au Bout du monde.

La photographie est accompagnée d'une boîte hermétique scellée, 5 faces sapin, 1 face plexi contenant la collecte.
Photographie : Nicolas Graff & Cédric Barbe (c) Lydie Jean-Dit-Pannel 2021

Les objets brillants sont au format du bec d’un corbeau (en référence à la plus belle des collections à mes yeux, celle d’une jeune femme de Seattle qui reçoit chaque jour depuis son enfance un cadeau de la part des corbeaux qui vivent autour de sa maison et qu’elle nourrit).


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(en contresens) Sur le chemin des glaces

Paris - Munich

Marche performative, 27 juin - 31 juillet 2021


Initialement, le projet ROAD TO NOWHERE devait se dérouler à l’été 2021. Le cargo au départ du Havre qui devait me déposer à New York était prévu et réservé pour le 3 juillet. Les conditions sanitaires font que les armateurs suspendent la présence de passagers à bord des cargos. Il me faut reporter ce projet. Pourtant tout est prêt. Mon corps, ma tête, et tout le matériel nécessaire pour être autonome en marchant seule plusieurs mois. En attendant de pouvoir aller Nulle part, il fallait trouver un autre projet. Cela m’est apparu comme une évidence.


En 1974, Werner Herzog, pour soutenir son amie Lotte Eisner alors très malade, marche de Munich à Paris avec la certitude qu’elle vivra s’il se déplace à pied.


À l’été 2021, alors que le virus m’empêche d’aller Nulle part, j’allais entreprendre à pied un Paris-Munich avec la certitude que si je réussissais cette marche de plus de 900 kilomètres, la vie reprendrait son cours normalement à mon retour.


Le livre Sur le chemin des glaces que Herzog a publié en 1978 allait me servir de boussole. Je l’ai pris à l’envers et ai calqué mon itinéraire sur le sien.


L’état de mon dos ne me permet pas de porter un sac. Pour marcher, je me suis équipée d’un chariot de randonnée. Je lui ai donné un nom. Il s’appelle fièrement et symboliquement Werner. Il est le seul témoin de mes soliloques de marcheuse.



J’ai publié quotidiennement sur un réseau social un journal extime de ma marche, accompagné de photographies et parfois de vidéos faites avec mon téléphone portable. Dans un livre sont assemblés ces textes. Il me semble important de garder une trace de ce moment de répit, de cette insouciance luxueuse que je me suis offerte en marchant sans fuir. Alors qu’à mon retour, le monde brûlait de tout côté, s’il n’était pas inondé, et les images que l’on recevait de Kaboul étaient insoutenables.


Durant cette marche de 978 kilomètres j’ai effectué une double collecte.


Sur les chemins l’espoir.

Diptyque, 2 vitrines 90 x 70 x 5 cm, éclairage intérieur led, emballages de médicaments, jeux à gratter perdants.

Collecte réalisée en marchant de Paris à Munich, du 27 juin au 31 juillet 2021



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Aller Quelque part

Marche performative, 30 août - 15 septembre 2021


Le 30 août 2021 j’ai pris le premier train disponible qui partait de la gare la plus proche de mon atelier (Montparnasse). Je suis arrivée à Toulouse. J’ai alors commencé à marcher. Sans GPS. Juste marcher pour aller Quelque part, en attendant de pouvoir aller Nulle part. Marcher pour résister. Le 15 septembre, après 412 kilomètres, les chemins, les rencontres et les échanges m’ont menée Quelque part.


Drapeau blanc

Assemblage de déchets blancs collectés en marchant Quelque part du 30 août au 15 septembre 2021 (412 kilomètres)



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En attendant d’aller Nulle part

Marche performative

Jardin de la maison des arts centre d'art cointemporain de Malakoff

12 février - 1 mars 2022


C’est après une demande de l’artothèque de Caen qu’un nouveau projet a germé. L’artothèque me demande une série d’interventions autour de mon travail dans une prison pour femmes. En réfléchissant à ces interventions (qui n’auront finalement rien à voir avec la marche), j’ai pensé à la seule possibilité de marcher lorsque l’on est enfermée. Marcher en cercles. Longer les murs. Arpenter jour après jour l’espace disponible en imaginant l’augmenter. J’ai pensé au travail de la danseuse et chorégraphe Simone Forti, aux animaux dans les zoos qui, pour ne pas devenir fous, parcourent incessamment le même trajet, laissant dans le sol de leur cage une trace profonde de leurs passages tristes et résignés. Et puis bien sûr, tellement, à Richard Long.


Du 12 février au 1er mars, j'ai marché chaque jour dans l’enceinte du jardin de la maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff. 

444,04 kilomètres sur une boucle de 140 mètres.


Cela faisait longtemps que je voulais faire une pièce qui parle de l'enfermement forcé. Des zoos et de la condition animale en particulier. J'ai vécu 18 jours dans un espace clos que j'ai arpenté sans cesse jusqu'à faire une entaille sur mon passage. J'ai été nourrie depuis l'extérieur, j'étais reclue chaque soir dans un cabanon jusqu'au matin. J'ai été observée et photographiée. J'ai ressenti l'ennui, le désespoir, l'abandon, le néant, le besoin d'un ailleurs, l'importance des rituels et de la routine pour échapper à la folie.
Sauf que je l'avais décidé. Je suis libre.
Jusqu'à présent.



En attendant d'aller Nulle part
Marche performative
maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff
12 février - 1 mars 2022
Boucle de marche de 140 mètres
444,04 kilomètres
3172 tours de jardin
Dessins réalisés par une application de randonnée (avec bugs du tracé)




3172 tours en attendant d’aller Nulle part, dessin 


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Tout l’or du monde

Assemblages de déchets dorés
Lingots uniques, 25 x 7 x 4 cm
Collecte réalisée lors de marches urbaines, novembre - janvier 2022 (in progress)

(Malakoff, Paris, Rambouillet, Dijon, Montrouge, Vanves, Bagneux, Sèvres, Marnes-la-Coquette, Versailles, Fontainebleau, Dannemois, Lausanne, Vaufrey, Courtefontaine, Stockholm, Le Perray-en-Yvelines, Bures-sur-Yvette, Cesson, Caen, Saint-Hippolyte, Montjoie-le-Chateau)


                                                      

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Printemps 2022

Installation
Assemblage de céramiques florales cassées
Collecte réalisée lors de marches dans les cimetières parisiens au printemps 2022


Vues d'atelier




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Marche pour l’Ukraine

Boucle vidéo, 2022


Réalisée lors de marches sur les sentiers du territoire de l'enfance en hommage au peuple ukrainien et à ma grand-mère Anna Grebenieff (1910-1988) réfugiée politique ukrainienne en France à l’âge de 29 ans.




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Tout autour de Vaduz

Pièce manuscrite et sonore, 2022


Réalisée lors d'une marche autour de Vaduz en hommage à Bernard Heidsieck.


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La baroudeuse Florian Gaité, octobre 2021

Lydie est un oiseau rare, un oiseau en fuite. Elle a migré avec les papillons monarques du Canada, combattu au bras de fer au Mexique, visité le Japon nucléaire et la Russie contaminée. Elle a arpenté les forêts de France et beaucoup battu le pavé. Elle a visité les zoos, elle a fait des road-trips, elle a campé. Elle a échoué Psyché sur les sites toxiques du monde entier et cueilli des plantes pour mieux éprouver celle de son pied.
Lydie Jean-Dit-Pannel n’est ni une artiste d’atelier, ni une artiste nomade. C’est une baroudeuse, et une déterminée. Sa marche participe à la fois d’un processus de création, d’une performance, d’un récit de soi et d’un geste micro-politique. À son moyen, elle nourrit sa lutte contre l’hybris de ses contemporains et mène une campagne acharnée pour sensibiliser aux ravages des sociétés industrielles ou réaffecter notre rapport à l’environnement naturel. En creux, il s’agit toujours d’éprouver, par le seul déplacement, les limites des territoires autorisés, de ce qu’il nous est permis de voir et de pénétrer, cherchant à atteindre la lisère de ce qui ne l’est pas. À l’aune des espaces policés, elle s’est confrontée aux grilles et à leurs caméras, elle a touché des barrières, parfois bravé l’interdit, elle s’y est faite souvent recaler mais qu’importe : contre le bruit des bottes, Lydie presse le pas.
La baroudeuse a le sens du but à atteindre et le goût du chemin qui y mène. Son plan en tête, elle prend la route comme si elle lui appartenait, parcourant villes, déserts et forêts. Du péri-urbain à la terre agricole, du plat bitume aux sentiers escarpés, elle endosse tour à tour les rôles d’arpenteuse, d’exploratrice, de globe-trotter, de flâneuse et de wanderer. De vagabonde aussi, de celle qui éprouve son mental à la force, sinon à la rage, de ses mollets. Son chemin est une traversée de paysages, de climats et de biotopes qui défilent sous ses yeux comme ils s’enchaînent dans son esprit. Dans son carnet de route, ses notes sont aussi courantes que sa pensée est mobile, sa langue roule, glisse et s’évade. Elle bute aussi parfois. Il en va au fond de la marche et de l’écriture comme de la vie : on alterne les chutes et les relèves pour mieux filer droit.
Fille de la beat generation, complice d’Herzog, Lydie Jean-Dit-Pannel conquiert sa liberté dans la solitude de son pas. Do not disturb, surtout pas. Le temps de la marche vaut pour introspection, il accompagne une immersion dans la nature qui ouvre sur une plongée en soi. Elle s’évade vers des destinations aux noms d’utopies qui seules peuvent accueillir son être esseulé. Au bout du monde, Quelque part, Nulle part : sa topologie est une poésie absurde, teintée d’une ironie nihiliste. Elle veut toucher à son non-but, marcher à contre-courant et remonter le fil, envers et contre tous, quitte à tourner en rond sur une escarpolette. Sur sa trajectoire, aucune direction n’est imposée. Elle trace sa route comme on dessine une ligne de vie, sans toujours savoir quel sens on va lui donner.

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Les visuels ROAD TO NOWHERE ont été réalisés par l'Atelier Tout va bien.