3 juillet - 3 août 2024
Parc des Tanneries, Centre d'Art Contemporain, Amilly
637 kilomètres sur une ligne de 40 mètres
Dans le cadre des expositions "A LONG WAY / Richard Long, de pierres" (commissariat Bénédicte Ramade), j'ai réalisé une marche performative au titre éponyme à l’exposition dans le parc du centre d’art. Durant 1 mois, j'ai marché sur une ligne de 40 mètres parallèle à la pièce "White Rock Line" de Richard Long. L’invitation était faite au public à se joindre à moi pour marcher quelques allers et retours en discutant du fait d’aller Nulle part.
Avril 2024
J’avais prévu de longer le Néant (rivière dans le Loir-et-Cher), mais cette marche performative a été impossible à réaliser. Une fois sur place le désenchantement a été immédiat. Tous les bords du Néant sont inaccessibles. Ce sont les propriétés de chasse de Vuitton, Bouygues et du baron Bic entre autres. Et elles sont bien gardées. Vite trouver une parade. Le Néant ne veut pas de moi, tant mieux. J’irai vers La Vie. Direction la Normandie. Je vais TRAVERSER LA VIE. Autant de fois que cela me chantera. J’ai traversé La Vie à son commencement, puis j’ai marché plus loin dans La Vie, puis plus profondément dans la Vie. La Vie était glaciale mais ravigotante. La Vie te fait te sentir en vie. La fin de La Vie est un bourbier. La fin de La Vie pue. On s’y enlise. L’odeur de la fin de La Vie reste sur soi longtemps. C’est la plus difficile des traversées.
Los Angeles - Nowhere (Oklahoma)
2 juillet - 20 août 2023
1007 kilomètres de marche
429 kilomètres en voiture
1256 kilomètres en bus
55 kilomètres en train
30 kilomètres à vélo
La Conversation
Lydie Jean-Dit-Pannel
Nowhere, Oklahoma, 21 août 2023
Le lendemain de mon arrivée Nulle part, aux prémices de l’aube, je suis allée discuter avec Psyché. Je l’avais abandonnée là un an auparavant. Le 18 septembre 2022. Nous arrivions de New York à pied. En chiffres, cela donnait 107 jours, 2602,2 kilomètres de marche, 174 kilomètres en bus, 302 kilomètres en voiture (avec Noah, Jeff et Mona, Terry, Magen, Jay, David, Henry et Tanner), 9 états, 3 fuseaux horaire, 13 nuits sous la tente, 92 nuits dans le lit d’un motel (les campings ne voulant pas de ma petite tente), 1 nuit chez l’habitant (pour fuir une tempête), 1 nuit dans une cabane de jardin, 16 jours de repos, 5 contrôles de police, 1 chute, 1 petit orteil éclaté, 5 sauvetages de tortues, 1 raton laveur affamé, 1 visite de papillon monarque, 1 atelier d’artiste (chez Angela), 5 visites salvatrices de musées , 678 piqûres d’insectes, 1 Covid, 1 alerte tornade, 1 alerte inondations, 1 alerte enlèvement, 7 gros orages, 19 visites d’Antiques Malls, 5324 animaux morts au bord de la route, 342 bénédictions, 22,57 dollars gagnés au casino, 18 tatouages de noms de villes traversées sur ma jambe droite, 3 moments de détentes mémorables avec des États-Unien.ne.s (sur la terrasse de la cabane en bois de Desra, dans la voiture de David, au bord de l’étang de Ron), 1 panne de Werner (mon chariot de randonnée), 1 panne de téléphone GPS, 4 habitants de Nulle part rencontrés (Randal, Sabrina, Tanner, Robbie), 420 litres d’eau bus, 12 kilos perdus et quelques larmes.
Au préalable, il avait fallu entraîner mon corps et mon esprit. Pour ceci, j’ai arpenté mon quartier, les cimetières parisiens, les forêts en périphérie. J’ai suivi le « Chemin des glaces » de Werner Herzog à contre sens, de Paris à Munich, j’ai marché jusqu’au Bout du monde, suis allée quelque part en marchant au hasard durant un mois, j’ai parcouru 444 kilomètres sur une boucle de 140 mètres dans le jardin de la maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff, j’ai fait le tour de Vaduz, capitale du Lichtenstein en hommage à Bernard Heidsieck. J’ai lu Herzog, Long, Alÿs, Davila, Marquis, Gros, Solnit, Thoreau, Rimbaud et tant d’autres. Marcher. Collecter. Produire en attendant que la pandémie du covid-19 laisse les portes s’ouvrir à nouveau. Et enfin partir Nulle part. Y avait-il autre chose à faire ?
Persuadée d’une fin du monde inévitable, causée par l’Humain et l’absurdité de ses actes, submergée par un sentiment d’impuissance face à un désastre entamé, je n’imaginais rien d’autre que marcher vers Nulle part. Et finir ce périple par un abandon. Celui d’un personnage endossé pendant des années. Psyché. Vivre une aventure à la hauteur de la sienne, mais plutôt que de chercher Amour, viser Nulle part comme dernier espace de liberté.
Psyché. Un personnage abandonné tant de fois sur des sites toxiques. Pour des photographies et des films. Psyché. Une prothèse, mais aussi une Amie, une sœur, une héroïne stimulante, tout aussi sombre que moi. Mue par la curiosité et l’Amour. De la nature, des autres, de l’Autre. Solitaire et pugnace. Triste et déterminée. Acceptant d’en finir. Mais toujours sauvée, rattrapée par la beauté des éléments, de la flore, de la faune.
Les chiens, les chevaux, les tortues, les vaches, les papillons, les ruisseaux, les arbres et l’immensité du ciel ont, durant ces 107 jours de marche, compensé le manque d’hospitalité, le racisme, l’homophobie, le nationalisme à outrance, le repli sur soi, la pauvreté culturelle, le fanatisme religieux, les lignes droites sans fin, les routes chargées de l’Amérique profonde. Surmonter les intempéries colossales, les camions fous, le manque de nourriture acceptable, la solitude abyssale, s’accrocher aux maigres rencontres, si rares en 4 mois qu’elles en étaient fulgurantes, marcher, marcher, marcher, collecter des déchets endémiques aux États-Unis, écrire, photographier, jusqu’à Nulle part. Abandonner une dernière fois Psyché en la mettant en scène dans une ultime photographie. Nous en avions convenu. Un commun accord. À l’amiable. Après plus de 10 ans à barouder ensemble.
À mon retour en France, j’ai eu besoin d’oser l’impensable : l’optimisme. Une année plus tard, je suis repartie Nulle part. Depuis Los Angeles cette fois. Une marche en miroir. Le miroir devant lequel on grimace pour esquisser un sourire. Aller Nulle part, encore, mais cette fois face au soleil. Ne plus voir l’ombre de soi chaque matin. Et marcher. Résolument apocalyptoptimiste. Après avoir traversé la Californie, l’Arizona, le Nouveau-Mexique, le nord du Texas et une partie de l’Oklahoma, j’ai retrouvé Psyché. Nulle part.
Nous voici donc ce petit matin caniculaire d’août 2023, sous un vieux réverbère, à côté d’un magasin d’appâts de pêche, la supérette de Nowhere, Oklahoma.
- Hey ma chérie, bonjour ! Enfin ! Tu m’as manquée tu sais.
- Oh mon Américaine ! Tu en as mis du temps. Oh ! Ahahah, tu as bien cramé on dirait ! On a les mêmes marques de cuisson du soleil sur la peau !
- Si tu savais. C’était une belle galère de te rejoindre. Tu n’imagines même pas les situations tordues que j’ai dû gérer.
- Oui eh bien si tu crois que t’attendre ici c’était mieux !
- Oh ça va. Tu connaissais ton rôle et tu étais d’accord pour partager cette performance avec moi. Moi je marchais et je racontais, toi tu faisais image. Comme un symbole fragile du monde en sursis. Tu cristallises notre impuissance devant le désastre. Tu es la poésie de la fin qui nous attend si rien ne s’annonce. Tu es la révolte en éveil. Farouche comme une maman chatte sauvage qui défend ses petits. Guerrière sans armure.
- Ahahah. Ahahah, rien que ça ! Bon alors raconte ! C’est comment par l’Ouest ?
- Oh là là, rien à voir avec l’année dernière. C’était beau ! Franchement, c’était rude à en pleurer, mais tellement magistral. Si tu avais vu les paysages, les montagnes, les déserts. Le soleil qui se lève, c’était chaque jour un truc de fou. La lumière, c’était dingue. Même au cinéma tu ne peux pas montrer ça, tu vois. Ce serait hors-cadre, hors-tout. Impossible de régler le diaph, tu es comme dans l’image, et tout se révèle, chaque minute ça change, un truc à rendre les peintres fous. Et tu te sens puissante, juste à cause de la lumière, des couleurs. C’est un émerveillement total.
- Oui, je peux le voir dans tes yeux que tu es encore immergée dans ces images. Tu fais presque peur ! Ici aussi, tu as vu cette lumière de fou ? On se croirait en studio. Difficile de croire qu’il n’y a pas une grosse équipe d’éclairagistes autour de nous. Juste le soleil qui se lève et un vieux réverbère. Nulle part.
- Oui, c’est magique. Et tu sais, cette fois j’ai vu plus d’animaux vivants que morts. J’ai même nagé à côté d’une tortue.
- Tu as vu des coyotes ?
- Ben non, juste un, crevé au bord de la route. Quand j’étais sur des terres apaches. Mais je les ai entendus souvent. Au lever et au coucher du soleil. Ils chantent toujours en bande. C’est pas très mélodieux. Un mix entre des jappements de chiots et le hurlement des loups. Mais je t’assure, ça rend humble de les entendre. Tu ressens un truc sauvage.
- Oui je vois, j’en ai entendu ici aussi. C’était un peu flippant. Tu te sens encore plus seule et vulnérable.
- Rooo tu sais, j’ai passé une nuit incroyable au fond d’un canyon. Il n’y avait pas d’humains à des kilomètres à la ronde. C’était la pleine lune. Le silence était colossal. C’était impressionnant. Quand je suis sortie de ma tente pour aller pisser, la silhouette des montagnes tout autour de moi, et le ciel constellé d’étoiles, ça m’a fait un vertige. Un truc bizarre. Te moque pas, mais, comme une connexion cosmique, tu vois, te sentir appartenir à l’univers. Te sentir ultra vivante, mais en même temps rien.
- Oui, ben moi je ne pouvais même pas regarder les étoiles dans ta foutue position d’abandon. Mais rester un an Nulle part, ça fait un genre de vide cosmique aussi ! Quand j’entendais les infos que tu m’envoyais, c’était terrible. J’ai tellement pleuré que la pelouse est restée verte malgré la canicule. T’as vu ?
- Oh tu m’étonnes, ça brûle partout dans le monde, c’est un cauchemar. On a dépassé les limites. Il y a vraiment urgence. Mais heureusement, maintenant en France, il y a un numéro vert spécial canicule.
- Waaaa. Vive la France.
- À Phoenix, c’était extrême. Tous les records ont été battus. Il faisait 47 degrés quand je suis arrivée. Depuis des jours. Et ça continue.
- 47 ?!
- Oui, tu ne peux plus respirer. L’eau coule brûlante des robinets. La température reste élevée la nuit. Sans la clim, tu ne survis pas. Il y a eu des morts. Des milliers de morts. J’ai dû changer tous mes plans pour m’adapter. C’était de la folie de marcher dans ces conditions. Tout le monde me le disait. J’ai dû faire des détours, inventer sans cesse, prendre des bus. J’ai même pris le train ! J’ai passé des heures et des heures à m’abîmer les yeux sur des cartes pour fabriquer de nouveaux itinéraires qui ne finissaient pas dans des impasses. Aurélie m’a aidée à fond. Heureusement. À certains moments j’ai pensé que je ne pourrais plus avancer. J’étais coincée. J’ai beaucoup moins marché, tu sais, par rapport à l’année dernière où j’enquillais 25 à 40 kilomètres tous les jours. Là c’était impossible. J’ai eu du mal à faire le deuil de ça. De ne pas marcher sur toute la ligne. Mais c’était réellement une question de survie. Tu sais, je travaille toujours aux limites. Je ne suis pas Sarah Marquis qui creuse dans le désert pour trouver de l’eau, tue un perroquet et le mange pour ne pas mourir de faim. Je suis juste Madame Tout-le-monde qui va Nulle part.
- L’important c’était que tu arrives ! Oh je suis contente de te voir. T’en as pas marre des États-Unis ?
- Crois-le ou non, en fait, j’adore ce pays. C’est plein de contradictions, je sais, après tout ce que j’ai vu, de dire ça. Mais je comprends de mieux en mieux les gens. Le système. La situation. Les excès. La folie. La démesure. La survie. La rudesse. Pourquoi la foi est si présente et ostentatoire. Pourquoi on se nourrit si mal. J’aime l’Amérique car tu ne sais jamais ce que tu vas découvrir de loufoque, de grandiose ou d’ignoble. C’est tellement gigantesque. Comparativement, la superficie de la France c’est 5,6 % des États-Unis. D’un état à l’autre, c’est comme une autre planète. Tu peux passer ta vie à sillonner ce pays. Et ça ne suffirait pas. Je sais déjà que ça va me manquer dès que j’aurai retrouvé mon quotidien. Le son des trains. La ligne d’horizon à 360°. L’odeur des grands pins. Les motels. La langue. Mais mon visa m’a été délivré pour 10 ans alors… Il y a tellement de kilomètres et de kilomètres carrés de forêts et de déserts non-habités, non-habitables, comme à l’infini, que tout est possible. Tous les scénarios. Peut-être même que le Big Foot existe tu vois, c’est possible.
- Non mais n’importe quoi ! Ça t’a pas aidée tous ces jours dans le pays des fake news.
- Bon ça va, je ne t’ai même pas raconté une once de mes galères. Ça a commencé dès le début de toute façon. Werner n’est pas arrivé à l’aéroport. Tu n’imagines pas la panique. Je suis montée dans les tours sévère. Après, toutes les embûches me semblaient futiles. Je relativisais. Un jour après l’autre. Day by day. C’était mon leitmotiv. Au passage, chez Air France, ce sont de bons gros arnaqueurs. Pendant les 3 jours où j’ai péniblement attendu Werner, on me disait au téléphone que tous les frais occasionnés par ce retard de bagage seraient remboursés. Et en fait, rien, pas 1 centime. Bref, je ne vais pas m’énerver à nouveau, j’allais te parler de positivisme !
- Ton fameux apocalyptoptimisme ?
- Mieux encore. Tu sais, avant de partir, je disais que cette marche miroir, par l’Ouest, serait teintée d’optimisme. Que je ne marcherais pas dans un total désenchantement comme l’année dernière. Au début, ça n’a pas été facile. Je trichais dans mes textes. Je forçais le trait en mode tout va bien. Puis ça a été naturel. Ça m’a appris à changer mon regard. À voir du beau. Sans nier l’horreur et les envies de vomir, bien sûr, la lutte sera toujours nécessaire et vitale. Juste être focus sur l’essentiel. Faire suer les cons et les fachos, oublier les gens jaloux, malhonnêtes, intéressés. S’appuyer et prendre soin de son intégrité, de l’amour de ses proches, des amitiés fidèles et sincères. Ça rend plus fort. Tu sens du possible, des perspectives. Jouer à être positive, ça m’a rendue positive en vrai. J’t’assure, je le vois l’espoir.
- Ben alors là tu m’épates. La bouffe de station-service et tous les trucs sous plastique, le nationalisme, le racisme sous toutes ses formes, le repli sur soi, la surconsommation, tu vois de l’espoir là-dedans ?
- Oui mais non pas ça. Pas comme ça. Juste regarder autrement. Tu deviens dingue sinon. Tu ne vis plus. Être toujours dans la colère ça te tue. Ça te ronge. Ça te rend con aussi. Hurler dans un musée qui fait la propagande du nucléaire, c’est pas constructif. Ça soulage, mais ne sert à rien. Ça te file de l’aigreur. Et y’a rien de pire que d’être aigrie. Atteindre l’Autre. Faire des éclipses. Faire événement de l’ordinaire. J’ai rencontré des personnes magnifiques, tu sais. Très peu, mais juste assez pour sentir que tout n’est pas pourri. C’est là qu’est l’espoir. Dans l’échange. Il faudrait que tu rencontres Michael. Mon petit Google. Jamais je n’oublierai cet homme. À 80 ans, il irradie d’humour, de force, d’intelligence et d’espoir. Perchés sur la montagne qui domine Palm Spring, dans un îlot de fraîcheur qui berne la canicule, on était trop bien avec nos rires, notre petit cognac et nos chips. Refaisant le monde à notre envie. Profitant de chaque instant comme du dernier. On s’écrit encore, tu sais. Souvent des échanges de citations. Du Bukowski la plupart du temps. Une des dernières reçue est de René Daumal « One cannot stay on the summit forever, but there is a way of living, lower down, in light of what one has seen above. »
- C’est beau. De la poésie française en anglais !
- Oui, et regarde, lui, c’est Tim. Il est Ranger dans un State Park, là où il y a un lac fabuleux, dans lequel j’ai nagé à outrance. Probablement un des souvenirs qui restera ancré à jamais. T’as vu ce sourire ! Cet homme est d’une gentillesse exceptionnelle. Il m’a alimentée en eau et en prévenance pendant plusieurs jours. Ces 2 mois, j’ai bu plus de 200 litres d’eau et j’ai pris qu’une seule fois l’apéro ! Avec une femme que j’ai adorée. Katharina. Une allemande éleveuse de chevaux. Ultra amoureuse d’un homme mexicain. À Quemado. Tu sais, là où il y a le Lightning Field.
- Ah oui, la pièce avec les orages ?
- Oui, d’ailleurs, cette fois, pas un seul orage, je n’ai utilisé ma cape de pluie qu’une seule petite fois.
- Ça alors, c’est dingue, alors que de l’autre côté, on aurait pu mourir 10 fois sous les tempêtes !
- Oui mais à la place, j’ai fait une insolation. Juste avant d’arriver. Je ne souhaite ça à personne. Ça fait très peur. Et très mal !
- On peut dire qu’on a eu de la chance non, d’être entière toutes les deux à l’arrivée ?
- Je ne sais pas si c’est de la chance. On a fait ultra-attention à tout tout le temps. Et on y a cru.
- « We are here to drink beer. We are here to kill war. We are here to laugh at the odds and live our lives so well that death will tremble to take us.»
- Bukowski !
- Yesssss !
- Il m’a accompagné tout le temps tu sais. J’ai commencé cette marche en retournant sur sa tombe, 14 ans après ma première visite. Il fait partie de moi. On a refait une photo d’ailleurs. Avec Mila. Une française qui vit à Los Angeles depuis plus de 20 ans. Après cette session et notre rencontre, elle a suivi tout mon périple. C’était quasiment toujours elle qui commentait en premier mon texte du jour sur les réseaux. Elle et son compagnon Stiff. Ils avaient mon mood du jour en primeur, sans décalage horaire. C’était chouette de les sentir là.
- C’est cool d’avoir de nouveaux Amis. Ton amoureux vient te retrouver bientôt ?
- Oui, dans quelques jours. L’année dernière, j’ai atteint Nulle part juste la veille de son arrivée. Avec du recul, je ne sais pas comment j’ai réussi à faire ça. À tenir ma feuille de route pendant 4 mois. C’était un vrai marathon. Cette année, je suis en avance, les kilomètres avalés en bus à cause de la chaleur m’ont fait gagner du temps. Oh, les bus Greyhound, plus jamais. Nevermind. C’est passé. Je l’ai fait. Je ne réalise pas encore. Quand je me vois en photo avec Werner, j’ai du mal à me dire que c’est moi. Que j’ai marché sur cette ligne. Celle tracée par Anna de l’Atelier Tout Va Bien, sur la petite carte qui présentait le projet. Tu te rends compte, ce n’est plus un projet. Je l’ai fait. Je ne peux pas m’empêcher de me le répéter chaque jour. Je l’ai fait. I did it. Il faut que je décompresse. Que j’atterrisse. Je n’ai pas encore vraiment eu le temps de me reposer. C’était intense l’arrivée. L’accueil merveilleux à la supérette. Les Amis de Nulle part. Peter, Krista, Sabrina, Tanner, Randal, Robbie. Enfin tu as vu tout ça.
- Oui, c’était incroyable. Tout ce partage. Et le type qui est venu te filmer pour « This is a Great State or What ? » ! Ça n’arrive que Nulle part ça !
- Ahahah.
- Ça va te faire du bien de prendre un peu de temps avec ton amoureux sur les routes avant de rentrer en France pour te réinsérer dans ton école et préparer ton expo.
- Oui j’ai hâte. On va aller au Yellowstone et à Glacier National Park. Tu sais, là où a été tournée la scène d’intro de Shining, quand ils sont dans la Coccinelle.
- Oh waw, tu m’emmènes ?
- Ah non, ça c’est privé ! Mais je te montrerai des photos. Bon, je te passe une robe et on va prendre un verre au frais dans la maison que me prêtent Peter et Krista ?
- Oh oui, grave, j’en peux plus d’être à poil par terre, ça suffit, on a autre chose à faire.
- Oui, t’inquiète, c’est fini tout ça. On y va à pied ? C’est juste à 2 petits kilomètres.
- Pffffff.
- Allez, viens. Dansons Nowhere.
- OK. Viens-là, fais-moi un hug.
- On l’a fait. Traverser les États-Unis, toujours en allant Nulle part.
- Ouais.
New York - Nowhere (Oklahoma)
6 juin - 18 septembre 2022
107 jours
2602,2 kilomètres de marche
174 kilomètres en bus
302 kilomètres en voiture (avec Noah, Jeff & Mona, Terry, Magen, Jay, David, Henry et Tanner)
9 états (New York, New Jersey, Pennsylvanie, Virginie Occidentale, Ohio, Indiana, Illinois, Missouri, Oklahoma)
3 fuseaux horaire
13 nuits sous la tente
92 nuits dans le lit d’un motel
1 nuit chez l’habitant (pour échapper à une tempête)
1 nuit dans une cabane de jardin
16 jours de repos
5 contrôles de police
1 apéro-repas avec des américain.e.s (Phillie et Tim du Rockwood Motor Court)
1 chute
1 petit orteil éclaté
1 paire de Jumping Shoes regrettée
5 sauvetages de tortues
1 raton laveur affamé
1 petit cheval
1 visite de papillon monarque
1 petit loup des neiges
1 atelier d’artiste (chez Angela)
678 piqûres d’insectes
1 Covid
1 alerte tornade
1 alerte inondations
7 gros orages
43,4 kilomètres, plus longue journée de marche
19 visites d’Antiques Malls
5324 animaux morts au bord de la route
342 bénédictions
22,57 dollars gagnés au casino
18 tatouages (2 offerts)
30 heures environ au téléphone avec mes Aurelie
3 moments de détentes mémorables avec des États-Unien.ne.s (sur la terrasse de la cabane en bois de Desra, dans la voiture de David, au bord de l’étang de Ron)
1 panne de Werner (roue voilée)
1 panne de téléphone
4 habitants de Nulle part rencontrés (Randal, Sabrina, Tanner, Robbie)
420 litres d’eau bus
12 kilos perdus
et quelques larmes.
Le projet ROAD TO NOWHERE a été soutenu par
la maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff
la Fondation Antoine de Galbert
le FRAC Bourgogne
l’association La Belle Epoque
l’artothèque de Caen
la Station Mir - Festival Interstice
À l'origine de ce projet, je devais partir de Malakoff (là où se trouve mon atelier), seule, à pied jusqu’au Havre. Là, je devais prendre un cargo jusqu’à New York. Puis je marcher de New-York jusqu’à Nulle part (Nowhere, Oklahoma). 2800 kilomètres, 4 mois de marche, de rencontres, d’écriture, de collectes, de prises de vues photographiques et vidéographiques.
La pandémie en a décidé autrement. Les armateurs des cargos ne prennent plus de passagers, je n'ai pas trouvé de place sur un bateau. L'aventure commencera donc à New-York.
Départ le 6 juin 2022.
Tout marcheur est un gardien qui veille pour protéger l’ineffable.
L’art de marcher, Rebecca Solnit, 2000
Nous devrions entreprendre chaque ballade,
sans doute, dans un esprit d’aventure éternelle, sans retour ;
prêt à ne renvoyer que nos coeurs embaumés,
comme des reliques de nos royaumes désolés.
De la marche, Henry David Thoreau, 1862
A Savière, dans l’école du village,
je me suis demandé si je n’allais pas gagner Paris en voiture,
mais cela avait-il un sens ?
A quoi bon être venu de si loin à pied, pour finir en voiture ?
Plutôt aller jusqu’au bout de l’insensé, si toutefois c’était insensé.
Sur le Chemin des glaces, Werner Herzog, 1978
Un préambule peut être nécessaire pour appréhender ce projet d'aller Nulle part. Car tout cela est une longue histoire.
(Toutes les pièces citées dans ce préambule sont détaillées dans les autres pages de ce blog)
Cela commence à l’Insectarium de Montréal il y a plus de 15 ans. Pour découvrir une nouvelle ville, je l’arpente en marchant et je m’y perds. Puis je visite le Musée d’histoire naturelle. Voir comment l’on relate la vie de la nature avec des animaux morts m’a toujours fascinée. À Montréal, il n’y a pas de Musée d’histoire naturelle. J’ai alors visé l’Insectarium. Et j’y ai eu une fulgurance. Le papillon monarque. Un voyageur. J’ai alors commencé à travailler autour des moeurs complexes de ce lépidoptère. Je me suis immédiatement fait tatouer une femelle monarque afin de marquer cette rencontre. J’ai ensuite fait des séjours au Canada et au Mexique, pour enquêter, comprendre, filmer et photographier. J’ai travaillé avec des chercheurs. J’ai élevé des monarques oeufs, chenilles, chrysalides puis adultes. J’ai compris la transformation et l’émergence. J’ai tenté de m’envoler dans les forêts mexicaines, j’ai reçu les caresses aériennes de milliers de monarques lancés dans de frénétiques ébats amoureux. Un papillon est même né sur mes lèvres avant de partir pour sa grande migration.
Depuis, lors de mes voyages, je fais inscrire sous ma peau l’image d’un papillon monarque femelle à échelle 1. Je porte à ce jour 47 paires d’ailes orangées collectionnées aux coins du monde. Avec cette collection mon corps est devenu dépositaire de l’histoire de ce papillon.
Le monarque est prétexte à raconter des histoires, à hurler ma déception face à une humanité qui court à sa perte. Car tout a changé radicalement. Aujourd’hui, le monarque est sévèrement en voie d’extinction. La pollution, les pesticides et la déforestation petit à petit le digèrent. Le regarder évoluer est devenu mon échelle de l’état du monde. Je suis en alerte.
J’ai beaucoup pratiqué l’auto-fiction. De 2001 à 2011, ma vie d’artiste, de femme, de mère, d’enseignante s’est accompagnée d’un film journal : Le Panlogon. Tous mes projets y sont nés et s’y sont développés. La petite histoire dans la grande Histoire. L’ordinaire extraordinaire.
Et puis il y a eu la catastrophe de Fukushima qui a été une bascule dans mon travail. J’ai eu besoin de prendre du recul. De ne plus parler à la première personne. Face à l’état du monde, le « je » m’était insupportable. J’ai alors créé un personnage : Psyché.
Avec elle, on est deux, c’est plus facile. C’est elle qui fait les conneries. Depuis des années nous errons dans des paysages toxiques pour la réalisations de photographies (les séries Entertainement et 14 secondes) et de 2 films (& a Fade to Grey et Ad Infinitum). Dans ces images, Psyché s’allonge par fatigue, refusant de continuer à lutter contre les folies humaines et décidée à disparaitre, s’abandonnant dans des paysages dont la beauté est incertaine.
Toutes ces images, ainsi que l’intégralité de mon travail de ces 30 dernières années ont été montrées jusqu’à fin août 2020 dans l’exposition monographique ALIVE. (Une rétrospective) au Musée des Beaux-Arts de Dole.
Une rétrospective ce n’est pas rien. Le sentiment d’une fin. Le confinement de l’exposition pendant la première vague du covid n’a rien arrangé. L’exposition a été confinée quelques jours après son ouverture, sans même un vernissage. Le Musée devenait sarcophage du travail. L’échange avec les publics devenait impossible. Tout semblait vain.
C’est alors qu’arrive le projet ROAD TO NOWHERE. Il a germé durant la pandémie et s’est épanoui lors de ma première longue marche post-confinement dans les forêts de mon enfance.
ROAD TO NOWHERE
Il y a Travis dans Paris Texas. Il y a Werner Herzog et son Chemin des glaces. Il y a les Stalker. Il y a Thoreau bien sûr et puis Richard Long. Il y a ces milliers de marcheurs qui arpentent les chemins du monde en ce moment même. Il y a eu le confinement. Il y a toutes ces marches que je rêvais de faire au delà de l’heure et du kilomètre entourant mon atelier de Malakoff. Alors arrive le projet d’une longue marche. Il est temps de cesser les flâneries et les errances, et de donner un but à Psyché. Je la mènerai Nulle part. Il n'y a plus que cela à faire. Et nous irons par la seule force de nos jambes.
Je suis un piéton, rien de plus, disait Rimbaud.
Nulle part (Nowhere) est situé dans le comté de Caddo, Oklahoma, États-Unis. Je partirai de la maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff (structure qui soutien le projet depuis ses prémices) et je marcherai jusqu’au Havre. Là je prendrai un cargo jusqu’à New York. De New York, je marcherai jusqu’à Nowhere.
Il s’agit seulement de marcher. Juste de mettre un pied devant l’autre et d’avancer. Il suffit de bien se préparer. J’aime l’idée d’un dépassement physique, d’un entrainement quotidien durant des mois, d’une recherche méticuleuse de chaque objet qui fera partie du voyage, d’une étude profonde de la cartographie, de monter un gros projet, pour aller Nulle part.
Pour aller Nulle part il faudra traverser les états de New York, Pennsylvanie, Ohio, Indiana, Illinois, Missouri, Oklahoma.
Pour aller Nulle part il y aura des villes jalons (identifiées en traçant le chemin sur la carte Michelin USA 761 National). New York, Morristown, Allentown, Harrisburg, Bedford, Somerset, Washington (NY), Wheeling, Cambridge (Ohio), Zanesville, Columbus, Springfield (Ohio), New Castle, Indianapolis, Plainfield, Terre Haute, Marshall, Effingham, Vandalia, Saint-Louis, Rolla, Waynesville, Lebanon, Marshfield, Springfield (Missouri), Vinita, Claremore, Tulsa, Bristow, Oklahoma City, NOWHERE (ne figure pas sur la carte).
Pour aller Nulle part, le chemin commence de la même façon que celui de Kerouac dans Sur la route, puis se poursuit en grande partie sur la route 66 et traverse la région d’Ozark. Des raisons suffisantes pour faire partir l’imaginaire à toute vitesse.
Dernière photographie de la série « Entertainment », réalisée en arrivant Nulle part le 14 septembre 2022.
Après une marche en solitaire de 2602,2 kilomètres de New-York à Nowhere (Oklahoma), j’ai abandonné le personnage endossé depuis une décennie. Psyché, mon alter ego amoureuse, ma soeur aventurière, mon amie désenchantée a décidé de lâcher l’affaire. Ensemble, nous avons arpenté des dizaines de sites toxiques. Aujourd’hui, toutes deux lasses de l’absurdité humaine, fatiguées de hurler dans le vide, terrorisées d’assister à l’impasse dans laquelle se précipite le monde, nous nous séparons d’un commun accord. Psyché ne sera plus le vecteur de mon impuissance face à l’ampleur du désastre. Elle est restée Nulle part.
Me voici à présent seule dans la lutte.
En attendant de pouvoir aller Nulle part
Les conditions sanitaires retardant la mise en place concrète de cette marche aux Etats-Unis, il faut continuer à entraîner mon corps. Quand le projet est né, j’ai commencé des marches journalières. Je visais les cimetières et les sillonnais. Lorsque l’on vit dans la périphérie de Paris, les cimetières sont les seuls endroits calmes, où l’on entend avec de la chance les oiseaux, où l’on voisine avec les arbres. Le silence endémique qui y règne m’aidait à supporter l’idée d’un futur.
Montrouge, Bagneux, Arcueil, Villejuif, Pantin, Grenelle, Vaugirard, Passy, Saint-Ouen, Montmartre (mon préféré, et puis c’est là que Daniel Darc repose), Montparnasse, le Père-Lachaise, Vanves, Clamart, Trivault, Marnes-la-Coquette, Garches, Sèvres, les Batignoles, Ivry.
Au cimetière de Thiais j’ai été très impressionnée par la section des indigents. Au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-bois j’ai pris le thé avec Tarkovski et discuté longtemps avec lui assise sur le petit banc de pierre.
J’ai ensuite visé les forêts. Le Domaine de Saint-Cloud. Meudon. Fausses reposes. Malmaison. Puis j’ai changé de quartier pour Rambouillet. Je prenais le train juste avant l’aube, la ligne N qui partait à 15 minutes de chez moi me déposait au départ de dizaines de randonnées possibles.
Rambouillet, Les Essarts-le-Roi, Saint-Rémy-lès-Chevreuse, Le Perray-en-Yvelines, Coignières, Gometz-la-Ville, Bures-sur-Yvette. Après Rambouillet j’ai exploré les forêt de Marly (trop bruyante), Saint-Germain-en-Laye, Senart, Ferrière. Et puis Fontainebleau. Les grands arbres en dormance m’aidèrent à passer l’hiver. Ils étaient puissants de calme.
Durant ces marches sylvicoles, j’ai commencé une série photographique :
L’amour dans les arbres.
Série de photographies couleur in Progress
Je photographie les scarifications exécutées dans l’écorce des grands arbres par les amoureux.
Cette série sera présentée sous la forme d’un diaporama.
Puis la restriction des déplacement dans un cercle de 10 kilomètres autour de notre habitation nous a été imposée. J’ai alors réalisé :
Pas dans la dentelle
Plan sur tablette d’une randonnée de 97 kilomètres réalisée sur un rayon de 10 kilomètres autour de mon atelier, mars 2021
S’imposait une marche péri-urbaine afin de tester les limites. J’ai traçé sur une carte le cercle d’un rayon de 10 km et j'ai pris la route. Les chemins m’offrirent d’insoupçonnés points de vue sur Paris et la découverte de quartiers que je n’avais jamais eu l’idée de visiter. J’ai marché 4 jours au plus près du cercle, contournant les zones militaires, les autoroutes, les chemins privés, les jardins partagés, les golfs, les zones industrielles, l’aéroport d’Orly. Lorsque je regardais vers la droite (je suis partie par la gauche depuis Massy), Malakoff était toujours là, à 10 kilomètres de moi.
Ensuite, comme prévu initialement, le printemps arrivant, je suis partie pour ma première grande marche en conditions, afin de tester mon matériel (chariot de randonnée, couchage).
Marcher jusqu’au Bout du monde
Le Bout du Monde est une reculée située en Côte-d’Or sur la commune de Vauchignon. Il existe beaucoup de Bout du monde dans le monde. J’ai choisi celui de Vauchignon car c’est ici que j’ai emmené mon amoureux lors de notre première escapade, alors que nous étions des amants cachés (Psyché me l’a soufflé).
Le trésor du Bout du monde
Photographie couleur sur plexi réalisée avec les collectes effectuées lors d'une marche de 361 kilomètres de Malakoff jusqu'au Bout du monde.
(en contresens) Sur le chemin des glaces
Paris - Munich
Marche performative, 27 juin - 31 juillet 2021
Initialement, le projet ROAD TO NOWHERE devait se dérouler à l’été 2021. Le cargo au départ du Havre qui devait me déposer à New York était prévu et réservé pour le 3 juillet. Les conditions sanitaires font que les armateurs suspendent la présence de passagers à bord des cargos. Il me faut reporter ce projet. Pourtant tout est prêt. Mon corps, ma tête, et tout le matériel nécessaire pour être autonome en marchant seule plusieurs mois. En attendant de pouvoir aller Nulle part, il fallait trouver un autre projet. Cela m’est apparu comme une évidence.
En 1974, Werner Herzog, pour soutenir son amie Lotte Eisner alors très malade, marche de Munich à Paris avec la certitude qu’elle vivra s’il se déplace à pied.
À l’été 2021, alors que le virus m’empêche d’aller Nulle part, j’allais entreprendre à pied un Paris-Munich avec la certitude que si je réussissais cette marche de plus de 900 kilomètres, la vie reprendrait son cours normalement à mon retour.
Le livre Sur le chemin des glaces que Herzog a publié en 1978 allait me servir de boussole. Je l’ai pris à l’envers et ai calqué mon itinéraire sur le sien.
L’état de mon dos ne me permet pas de porter un sac. Pour marcher, je me suis équipée d’un chariot de randonnée. Je lui ai donné un nom. Il s’appelle fièrement et symboliquement Werner. Il est le seul témoin de mes soliloques de marcheuse.
J’ai publié quotidiennement sur un réseau social un journal extime de ma marche, accompagné de photographies et parfois de vidéos faites avec mon téléphone portable. Dans un livre sont assemblés ces textes. Il me semble important de garder une trace de ce moment de répit, de cette insouciance luxueuse que je me suis offerte en marchant sans fuir. Alors qu’à mon retour, le monde brûlait de tout côté, s’il n’était pas inondé, et les images que l’on recevait de Kaboul étaient insoutenables.
Durant cette marche de 978 kilomètres j’ai effectué une double collecte.
Sur les chemins l’espoir.
Diptyque, 2 vitrines 90 x 70 x 5 cm, emballages de médicaments, jeux à gratter perdants.
Collecte réalisée en marchant de Paris à Munich, du 27 juin au 31 juillet 2021
Aller Quelque part
Marche performative, 30 août - 15 septembre 2021
Le 30 août 2021 j’ai pris le premier train disponible qui partait de la gare la plus proche de mon atelier (Montparnasse). Je suis arrivée à Toulouse. J’ai alors commencé à marcher. Sans GPS. Juste marcher pour aller Quelque part, en attendant de pouvoir aller Nulle part. Marcher pour résister. Le 15 septembre, après 412 kilomètres, les chemins, les rencontres et les échanges m’ont menée Quelque part.
Drapeau blanc
Assemblage de déchets blancs collectés en marchant Quelque part du 30 août au 15 septembre 2021 (412 kilomètres)
En attendant d’aller Nulle part
Marche performative
Jardin de la maison des arts centre d'art cointemporain de Malakoff
12 février - 1 mars 2022
C’est après une demande de l’artothèque de Caen qu’un nouveau projet a germé. L’artothèque me demande une série d’interventions autour de mon travail dans une prison pour femmes. En réfléchissant à ces interventions (qui n’auront finalement rien à voir avec la marche), j’ai pensé à la seule possibilité de marcher lorsque l’on est enfermée. Marcher en cercles. Longer les murs. Arpenter jour après jour l’espace disponible en imaginant l’augmenter. J’ai pensé au travail de la danseuse et chorégraphe Simone Forti, aux animaux dans les zoos qui, pour ne pas devenir fous, parcourent incessamment le même trajet, laissant dans le sol de leur cage une trace profonde de leurs passages tristes et résignés. Et puis bien sûr, tellement, à Richard Long.
Du 12 février au 1er mars, j'ai marché chaque jour dans l’enceinte du jardin de la maison des arts centre d’art contemporain de Malakoff.
444,04 kilomètres sur une boucle de 140 mètres.
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Marche pour l’Ukraine
Boucle vidéo, 2022
Réalisée lors de marches sur les sentiers du territoire de l'enfance en hommage au peuple ukrainien et à ma grand-mère Anna Grebenieff (1910-1988) réfugiée politique ukrainienne en France à l’âge de 29 ans.
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